jeudi 29 octobre 2009

Comment le travail nous travaille

Le Monde du 26-10-09 « La Mise à mort du travail »
« Perdre son emploi ou ne pas trouver de travail peuvent être des causes de dépression. Mais avoir une activité rémunérée peut aussi se révéler destructeur. »
http://www.lemonde.fr/aujourd-hui/article/2009/10/26/la-mise-a-mort-du-travail_1258175_3238.html

Quand le travail est mis à mal, est 'mis à mort', que reste-t-il ? Un emploi, un poste aux tâches prescrites, un métier qui se dessèche, une activité sans créativité. Quand le travail est mis à mal, subsistent des cadres d’action vides à l’intérieur desquels le réel du travail continue à faire rage et s’empare du corps et des pensées du sujet empêché d’agir jusque dans ses rêves.

Sans emploi ou en activité, au-delà des fonctions économiques du travail —avoir un salaire, produire des biens et services— la main mise quantitative des gestionnaires sur le qualitatif du travail réalisé par des hommes et des femmes de métier porte atteinte aux vitales fonctions sociales et psychologiques du travail.

Parce que le métier perdure en soi, malgré soi, quand on est au chômage, quand on est coupé de la possibilité de faire un bon travail, ne plus pouvoir contribuer au bien et au bien être commun dilue le sentiment d’être utile à la collectivité et détériore la santé. La fonction sociale du travail répond à la question « à quoi sert ce que je fais ? ». Car travailler, c’est travailler pour d’autres, pas seulement pour ceux qui rémunèrent, mais pour l’idée que l’on a du métier, pour contribuer à la création de biens ou services socialement utiles, pour exister sur un mode relationnel et affectif. Le travail est adressé à autrui, mais il ne s’arrête pas là, le travail répond également à une fonction psychologique.

Le travail peut être entendu d’abord comme un dépassement de soi en direction d’autrui. Se dépasser permet de se réaliser en tant qu’individu, le travail offre cette possibilité de se développer en renonçant un peu à son intérêt personnel. De cet usage de soi tourné vers autrui par obligation il faut faire quelque chose, pour soi. Quand le travail est maltraité dans les organisations, le travail rend malade car la fonction psychologique ne peut plus être satisfaite. Or, le besoin de construction de soi reste central pour le sujet malgré les transformations et les perturbations apportées aux conditions de travail. Que l’on s’offre sans compter ou que l’on se désengage, les atteintes portées au travail ne vont pas sans lourdes conséquences pour l’individu devenu dans la peur objet de manipulations.

Quand le travail est mis à mal, il ne peut plus être vécu comme un lieu de réalisation et n’offre plus à chacun le pouvoir de faire quelque chose de sa vie, d’être sujet de son histoire.

Valérie Tarrou

Pour en savoir plus :
Castel, R. (1995). « Les Métamorphoses de la question sociale ». Paris : Gallimard.
Clot, Y. (1999). « La Fonction psychologique du travail ». Paris : Puf.

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