mardi 6 octobre 2009

Compréhension du mécanisme de la reconnaissance et des conséquences de la non reconnaissance : apports des théories philosophiques

Le concept de reconnaissance a été défini par Hegel dans la «Phénoménologie de l’esprit». Si avant Hegel, Kant et Fichte ont largement élaboré la théorie de la reconnaissance, des penseurs contemporains comme Habermas et Kojève l’ont poursuivie.

Selon Hegel, chacun découvre tout d’abord la conscience de soi à travers son expérience intime, puis il pense à la conscience de soi chez l’autre, ou plutôt, à la manière dont l’autre va la reconnaître lui, comme «conscience de soi». Il y a donc désir que l’autre me reconnaisse comme ayant moi-même une «conscience de soi». Existe en germe, un affrontement qu’Hegel va développer : c’est à la rencontre de deux consciences que se noue le conflit de la reconnaissance. Hegel a montré que l’homme, avant même le bonheur, aspire à la satisfaction donnée par la reconnaissance universelle de sa valeur personnelle. «Et toutes choses égales, un bonheur “juste”, c’est-à-dire universellement reconnu, a plus de valeur qu’un bonheur “injuste”, c’est-à-dire purement subjectif, personnel.»

Fischbach étudiant Fichte et Hegel rappelle que pour tout individu, la participation à l’interaction sociale engage une certaine attente normative : une reconnaissance mutuelle de l’identité, du rôle et des prestations sociales de chacun. Quand cette attente normative est déçue, il y a alors expérience de la non-reconnaissance qui est un mobile pour déclencher une lutte orientée vers la reconnaissance, par un individu ou un collectif. Lutte qui peut se révéler soit le moyen de construire les conditions intersubjectives d’un rapport positif à soi et aux autres, soit l’ouverture à un sentiment d’amertume et d’asservissement dévastateur.

Fischbach amène un élément de réflexion sur l’étiologie du suicide au travail, quand reprenant une idée de Rousseau, issue de l’Emile, il écrit : «Si la mort même peut être acceptée et voulue, alors celui qui l’accepte et la veut fait en même temps l’expérience de sa plus radicale indépendance.» Pour Hegel, c’est témoigner de son pouvoir d’anéantir toutes choses, y compris sa propre vie biologique, mais aussi et surtout, c’est prendre conscience de son indépendance, faire l’épreuve de sa propre liberté. Le choix de la mort permet de reprendre sa vie en main et destitue les puissants «en ne voyant en eux plus que de hommes».

Car seule la reconnaissance procure au sujet un «capital symbolique qui n’existe que dans et par l’estime, la reconnaissance, la croyance, le crédit, la confiance des autres, et qui ne peut se perpétuer qu’aussi longtemps qu’il parvient à obtenir la croyance en son existence» (Bourdieu).

Valérie Tarrou

Bourdieu, P. (1997). « Méditations pascaliennes ». Paris : Le Seuil
Fischbach, F. (1999), « Fichte et Hegel - La reconnaissance », Paris, Puf
Hegel, G.W.F. (réed 1975). “La Phénoménologie de l’esprit ». Paris : Aubier.

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