Risques psychosociaux ?

Rapport de l'ANSES sur les risques psychosociaux : quand le corps et l’esprit sont affectés ensemble

Selon le rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) de septembre 2011 qui se base sur l'analyse de l'activité des 32 consultations de pathologies professionnelles en France, les risques psychosociaux (RPS : (RPS stress, dépression, violences...) seraient désormais la 2e cause de consultation en pathologie professionnelle (22%) avec une forte augmentation de ce motif de consultation ces dernières années.

Lien vers le rapport dans lequel les RPS sont principalement décrits aux p. 74-75:
http://www.anses.fr/Documents/RNV3P-Ra-Septembre2011.pdf

Ci-dessous, la Dépêche AFP du 4 octobre commentant la sortie du rapport :


« Pathologies liées au travail: les risques psychosociaux en hausse
AFP — Depuis dix ans, les pathologies liées au travail ont évolué, certaines comme l'asthme professionnel connaissant une diminution, mais les risques psychosociaux (dépression, stress, violences, ...) ont enregistré une "constante augmentation", selon un rapport publié mardi.
Ce rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) s'appuie sur les données recueillies dans les 32 centres de consultation de pathologie professionnelle (CCPP) intégrés dans les CHU en France.
Depuis 2001, ceux-ci sont réunis au sein d'un réseau baptisé Réseau national de vigilance et de prévention des pathologies professionnelles (rnv3p), auquel neuf services de santé au travail apportent désormais également leurs données.
Au total, depuis la création du réseau, plus de 200.000 consultations ont été enregistrées.

Il en ressort que depuis 2001, "les pathologies ou symptômes psychiques vus dans le réseau sont en constante augmentation chez les hommes comme chez les femmes", la hausse la plus importante concernant le secteur tertiaire.
Les troubles musculo-squelettiques, qui constituent plus de 80% des maladies professionnelles, sont également en augmentation dans l'ensemble des secteurs, selon l'Anses.
Les pathologies professionnelles recensées par les CCPP, qui examinent en général les cas les plus complexes de problèmes de santé au travail, concernent en premier lieu les maladies de l'appareil respiratoire (24%), notamment les problèmes liés à la respiration de particules d'amiante ou à l'asthme professionnel.

Mais les risques psychosociaux (RPS) se hissent désormais en seconde position (22%), devant les maladies de la peau (17%) et les troubles musculo-squelettiques (16%).
Par secteur d'activité, l'enquête montre que dans l'industrie, le taux de pathologies professionnelles liées aux RPS est passé de 3,7% en 2001 à 14,6% en 2009. La hausse est encore plus nette dans le secteur de la santé, passant de 8% à 37%.

Dans son rapport, l'Anses note qu'il est difficile "de faire la part des choses entre une augmentation due à la propension de plus en plus importante qu'ont les personnes à consulter pour des questions de ce type et un phénomène réel d'augmentation d'incidence", mais relève un doublement des cas ayant une origine professionnelle certaine entre 2007 et 2009.

En ce qui concerne les allergies professionnelles, en augmentation depuis les dernières décennies, le rapport montre une diminution globale du nombre de cas d'asthme, attribuée notamment à une meilleure prévention, même si les experts soulignent que certains produits désinfectants utilisés notamment dans les hôpitaux (ammoniums quaternaires) enrayent ces bons résultats. »

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Essai d’une définition pour sortir de l’indétermination les situations recouvertes par la notion de risques psychosociaux.

Violence au travail, harcèlement, stress au travail… des problématiques qui connaissent un développement exponentiel et sont nommées « risques psycho-sociaux » (RPS). Une appellation qui maintient ces réalités dans l’indifférenciation.

Dans le cadre du travail, chaque individu poursuit la construction de son identité. Jamais définitivement stabilisée, l’identité cherche une confirmation quotidienne dans l’intersubjectivité, d’une part dans les relations d’amour, mais également, et tout autant, dans les relations de travail. Dans cette dimension relationnelle, l’identité permet de se reconnaître en même temps comme unique et comme appartenant à un groupe, un métier, un collectif.

Le travail et sa reconnaissance par autrui sont au centre de cette construction identitaire. La reconnaissance espérée porte sur le travail effectivement réalisé et non sur les traits de personnalité. C’est en portant atteinte à cette dynamique, reconnaissance du travail par autrui – consolidation de l’identité personnelle, que les risques psychosociaux génèrent des situations de souffrance.

Certaines nouvelles formes d’organisation du travail comportent des points positifs mais peuvent aussi être sources de souffrances dans la mesure où elles mettent à mal, parfois volontairement, le vécu subjectif de chaque salarié par l’usage de techniques managériales délétères :
• productivisme effréné, intensification des cadences,
• réduction des pauses, des temps de préparation, de transmission, de formation, d’échanges autour des pratiques du travail,
• flexibilité interne : précarisation du travail ; flexibilité externe : réduction des effectifs, augmentation de la sous-traitance, précarisation de l’emploi
• management par la vérification, climat persécutoire en donnant des objectifs irréalisables, sans moyen, sans temps,
• mise en situation d’échec systématique…

Techniques managériales plus particulièrement destinées aux cadres :
• adhésion à l’idéologie managériale (fascination pour l’idée commune ou partir), banalisation des techniques proches du harcèlement (effrayer les gens et entretenir un climat de peur)
• intensification du travail,
• organisation du travail au masculin neutre qui nie l’identité sexuelle,
• utilisation de méthode d’entretien policière pour déstabiliser et obtenir la reddition émotionnelle du salarié.

Les risques psychosociaux ont donc une étiologie multiple, mais leur origine peut être simplement exprimée : il s’agit pour le salarié du sentiment douloureux de la diminution ou de la perte de son pouvoir d’agir sur sa situation de travail.

Les formes principales d’exercice de ces violences au travail sont :
- le harcèlement moral, discriminatoire, ou organisationnel, qui vise à rejeter voire à désaffilier le salarié.
- le stress, né du déséquilibre ressenti par une personne entre ce qu’on lui demande de faire et les ressources dont elle dispose pour le faire.
- les techniques d’injonction paradoxale qui sont des manières de déstabiliser le salarié dans sa relation au réel du travail.
- des formes de maltraitance comme la relégation, la placardisation.

Ces éléments mettent en lumière la nature des risques psychologiques potentiels. Au quotidien, dans l’exercice empêché de bien faire son travail selon des critères validés et légitimes, un salarié ne peut plus se situer et ne peut plus être situé.

Le premier risque est de se perdre dans sa construction identitaire.

Le deuxième risque est que cette construction entravée, tant personnelle que professionnelle, engendre une perception pervertie et culpabilisante de la situation.

Le troisième risque, dans l’augmentation de la souffrance vécue, est l’atteinte de la santé, mentale et physique, la possibilité d’une décompensation avec pour conséquences possibles différentes formes de pathologies :
- des pathologies mentales post-traumatiques : troubles anxieux, angoisse, troubles du sommeil, alcoolisation, tabagisme excessif, troubles cognitifs, déni du corps, dépression, suicide,
- des pathologies de surcharge : activisme, surmenage, absentéisme, burn out,
- des lésions par hyper sollicitations : troubles musculo-squelettiques, lésions digestives,
- des conduites délictueuses (vol, fraude…),
- des décompensations de nature psychotique (paranoïa, délires, schizophrénie).

Un salarié harcelé, stressé, tenaillé par la peur d’une échéance irréalisable, déstabilisé par une injonction paradoxale, objet de violences psychiques comme physiques, ne peut pas, seul, reprendre la main sur sa situation. Des solutions existent, qui relèvent essentiellement de l’organisation du travail :
- favoriser la restauration de la solidarité et le respect de temps d’échanges informels,
- dire l’assurance d’être écouté et entendu en cas de situation délétère,
- permettre la liberté d’être créatif dans les solutions quotidiennes à trouver pour faire son travail,
- privilégier la coopération et non l’individualisme,
- intégrer l’analyse d’un psychologue du travail dans la réflexion organisationnelle,
- refuser la pratique de techniques managériales délictueuses et pathogènes.

Cela suppose pour l’organisation du travail d’accepter de prendre le risque innovant d’autoriser à ses employés la controverse sur l’organisation du travail, de participer à la construction du « vivre ensemble », de le discuter, de l’imaginer, dans le respect de l’espace psychique de chacun.