jeudi 24 mars 2011

« Travailler à armes égales » par Marie Pezé

En avril, sortie du nouvel ouvrage de Marie Pezé : « Travailler à armes égales – Souffrance au travail : comment réagir », Pearson. Ci-dessous : le texte du 4e de couverture.

« Après Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés, qui dressait un état des lieux de la souffrance au travail et pointait la gravité croissante des cas, Marie Pezé poursuit ici sa réflexion sous un angle qui se veut positif : comment réagir ?

« Si le travail peut faire souffrir, c’est avant tout parce qu’il est porteur de nombreuses promesses », dit-elle. Promesse de l’utilisation et du développement des capacités physiques et mentales, promesse d’accomplissement de soi et d’émancipation sociale, promesse du « vivre ensemble » et du dépassement des fragilités infantiles…

Celui qui travaille donne souvent sans compter à un monde du travail qui, lui, ne fait que compter. Investi corps et âme, on comprend qu’il ait du mal à prendre de la distance, à défendre ses droits, à trouver des appuis. Le rapport de forces est inégal entre la partie faible, le salarié, et la partie forte, l’entreprise.

Marie Pezé nous livre ici les outils élaborés par le réseau de prise en charge de la souffrance au travail, avec Rachel Saada, avocate spécialiste en droit social et Nicolas Sandret, médecin inspecteur du travail : mieux connaître le droit du travail et les implications d’un contrat, savoir reconnaître et dénoncer les techniques de management pathogènes, apprendre à décrire son travail et les raisons de sa dégradation, connaître les acteurs de prévention dans et hors de l’entreprise et le rôle qu’ils peuvent jouer…

Ce livre est une arme pour sortir de la solitude et renouer avec les promesses du travail.»

lundi 21 mars 2011

Dénaturaliser les compétences

Si l’on considère que l’exercice du travail « consiste à vaincre des difficultés dont chacune peut paraître insignifiante » (1) on comprend qu’ainsi sollicité dans ses compétences le salarié perd de vue ce qu’il met en œuvre pour faire son travail au point d’en considérer la réalisation comme « naturelle » et de dire « n’importe qui pourrait faire mon travail à ma place ».

Il appartient au psychologue du travail de dénaturaliser les compétences et d’affirmer l’unicité de l’habileté professionnelle qui se forge dans l’expérience à partir de l’effort personnel, parfois collectif, réalisé pour surmonter les obstacles que le monde oppose à la maîtrise et à la connaissance. (2)

Si une compétence peut être décortiquée en savoirs (connaissance), savoir être (lié à la personnalité) et savoir faire (exécution), elle est beaucoup plus que leur somme, elle dépend d’un savoir agir. Savoir agir en situation de travail, cela veut dire savoir quoi faire, quand, pourquoi, et de façon autonome.

Etre compétent suppose de savoir mobiliser et combiner ses ressources : connaissances, capacités, aptitudes, raisonnements, attitudes. Par exemple : faire du vélo peut se décomposer en savoir pédaler, savoir freiner, savoir accélérer, ce n’est pas l’addition de ces savoirs qui permettra de rouler mais leur combinaison. Et en plus chacun ne procédera pas de la même façon, mais selon son style particulier.

La compétence ne peut pas se comprendre en découpant les savoirs. Elle est liée à la situation de travail. Il y a donc une différence entre les compétences décrites dans une fiche de poste et celles mises en œuvre pendant le travail. C’est pour cela qu’il est difficile de cerner une compétence, car elle existe dans l’action, sinon elle est invisible. Ainsi, dans un CV décrire le contenu du poste est plus explicite que juste citer ce que l’on pense être une compétence.

Il y a au cours de l’expérience de travail une accumulation de compétences. Elles sont plus ou moins en nous selon l’usage que l’on en a eu ou que l’on en a encore. Il y aura acquisition de nouvelles connaissances dans la confrontation à une nouvelle activité qui développera les compétences.

Ce développement exige la volonté ou le désir de mettre en œuvre son intelligence dans le travail pour trouver des solutions aux problèmes posés par le réel du travail et viser un double objectif : une production de qualité et l’accomplissement de soi.

Valérie Tarrou

1) Suzanne Pacaud : « Le travail normal consiste à vaincre des difficultés dont chacune peut paraître insignifiante mais dont l’accumulation rend la tache difficile voire épuisante sur le plan nerveux. » Avec Lahy, Suzanne Pacaud est l’une des premières à avoir pratiqué une analyse psychologique du travail pour comprendre le travail.
Pacaud, S. (1954). « Analyse psychologique et psychophysiologie du travail ». In H.Piéron (Ed), L’Utilisation des aptitudes, Traité de psychologie appliquée. Paris : Puf.
2) Clot, Y. (1999). « La fonction psychologique du travail ». Paris : Puf.
3) Oddone, I. (1977 - 1981 trad française). « Redécouvrir l’expérience ouvrière ». Paris : Editions sociales.

mardi 1 mars 2011

A propos du travail : interview de Dominique Méda

Sociologue et philosophe, Dominique Méda est coauteur, avec Lucie Davoine, de l’étude « Place et sens du travail en Europe : une singularité française ? » qui met en lumière le rapport particulier que les Français entretiennent avec le travail :   http://www.cee-recherche.fr/fr/doctrav/travail_europe_96_vf.pdf
Yves Clot, dans son ouvrage « Le Travail à cœur », développe le paradoxe souligné par ces recherches : « Les Français sont, à la fois, ceux qui accordent le plus d’importance au travail et ceux qui souhaitent le plus voir la place du travail réduite dans leur vie. » (p. 11).
Pour entrer dans le vif du sujet et écouter Dominique Méda : http://www.bastamag.net/article1449.html

1) Clot, Y. (2010). « Le Travail à cœur ». Paris : La Découverte.