samedi 18 septembre 2010

Au travail l’addiction est salée

Penser le travail comme une dépendance pose la question de la frontière entre s’investir fortement pour un travail aimé, choisi, qui peut relever de la passion, et donner excessivement, en durée et en quantité au regard des normes du métier, au point de ne plus savoir ou pouvoir s’arrêter.

L’hyperactivité peut témoigner de conflits intrapsychiques, avec ou sans troubles de la personnalité, comme d’une lutte contre des conditions de travail exigeant des efforts considérables pour produire dans un environnement de plus en plus contraignant. Quelle que soit sa source, cet engagement croissant et durable s’accompagne de la perte du plaisir au travail (1) et de l’anéantissement du processus de sublimation.

Cette forme de rapport subjectif au travail est désignée par le terme ergomanie (obsession du travail), les chercheurs américains emploient workaholism depuis que Wayne Oates (2) a inventé le mot par analogie avec alcoholism. La psychiatre Marie-Pierre Guiho-Bailly (3) parle d’addiction au travail.

Elle la définit comme la relation pathologique d’un sujet à son travail caractérisée par une compulsion à lui consacrer de plus en plus de temps et d'énergie et ce, en dépit des conséquences négatives sur sa vie personnelle, affective, familiale, sociale et des effets délétères sur sa santé.

Cette dépendance appelle l’auto-accélération, cesser de trop agir devient impossible, les tentatives d’arrêt échouent. Le workaholique a besoin de tout contrôler, il veut être plus que parfait et appréhende les loisirs. Incapable de se relaxer, une interruption forcée du travail (week-end, accident…) génère en lui une forte angoisse et un manque authentique accompagné de malaises physiques et/ou psychiques.

Cette addiction sans drogue est non seulement légale mais socialement valorisée et tolérée par l’entourage… jusqu’aux stades des complications. Heures supplémentaires, repas écourtés, travail rapporté à la maison, vacances perturbés entraînent l’apparition de difficultés dans la vie familiale et sociale.

Quand l’énergie déployée s’amenuise pour laisser place à l’irritabilité et au stress, apparaissent des troubles psychosomatiques : troubles du sommeil, lombalgies, hypertension artérielle, céphalées persistantes, problèmes cardio-vasculaires… Le burn-out, fatigue et épuisement physique et psychique extrême, représentant le syndrome majeur de cette addiction.

L’autodiagnostic de dépendance au travail peut être facilité par le recours au WART (Work Addiction Risk Test) élaboré par Bryan Robinson en 1989. Le lien suivant en permet une passation, il en existe de nombreux autres:
http://www.doctissimo.fr/test-psychologie-TRAVAIL_ADDICTION.htm

La prise en charge de cette souffrance implique le médecin et le psychologue du travail pour un suivi spécialisé. La démarche psychothérapeutique aidera le sujet à évoluer d’une perception faussement positive de ses actes vers la compréhension et l’acceptation du caractère pathologique de son comportement. Afin qu’il désire rompre avec son addiction et amorcer un changement pour échapper au « fléau des années 2000 ».

Valérie Tarrou

1) « Plaisir et souffrance dans le travail ». Ouvrage collectif sous la direction de Christophe Dejours (1988). Orsay.
2) Oates, W (1971). « Confessions of a Workaholic ». New York : World Publishing.
3) Guiho-Bailly, M.-P., Goguet, K. (2004). « L’addiction au travail en psychiatrie quotidienne ». Revue Travailler n°11. Martin Media.

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