samedi 13 mars 2010

La « fée du logis » ou le travail invisible

La patiente : « Mon mari gagne plus d’argent que moi, mais c’est normal, il fait plus d’heure de travail que moi. »
Le psy : « Si vous additionnez vos heures de travail à l’extérieur et vos heures de travail à la maison, combien d’heures pensez vous que vous travaillez par jour ? »
La patiente : « Mais à la maison, ce n’est pas du travail ! »
Le psy : « A quelle heure vous levez vous ? »
La patiente : « A 6h30… et je n’arrête pas jusqu’à 21 heures… La maison, les enfants, le travail, les enfants, la maison. Je n’ai jamais 10 secondes pour moi. »

Les tâches « discrètes » (1) historiquement dévolues à la femme dans la maison sont particulièrement difficiles à évaluer. Ce savoir-faire invisible n’est ni formalisé ni reconnu. Son invisibilité n’est pas due au seul déni de ceux qui en bénéficie, ce travail est perçu comme naturel. Naturel de savoir faire face aux contraintes du travail domestique, naturel de savoir prendre en charge les enfants, naturel de surajouter avec discrétion ces responsabilités à l’organisation de son travail et de son temps de femme.

Les tentatives de mise en visibilité de cette activité « qui ne laisse pas de traces » (1) trouvent l’explication de leur échec dans cette absence de tangibilité. Ne laissant pas de traces, elle ne produit pas d’objet en dehors de soi.

Pour penser l’exercice d’un travail relationnel (chez soi ou dans une activité rémunérée) il est pourtant nécessaire de le dénaturaliser et de le faire apparaître. Nécessaire pour se permettre de se retrouver, de donner un sens à sa vie qui réponde à ses propres aspirations et ne pas s’éteindre dans l’effacement de soi.

Le livre de Pascale Molinier, « L’Enigme de la femme active », est à mettre absolument entre les mains de toutes les femmes, mais également de tous les hommes. L’auteure, docteur en psychologie, analyse et enrichit cette réflexion sociale située au cœur de la vie privée comme de la vie professionnelle : compassion et égoïsme, tradition et féminisme, identité masculine et identité féminine, activité créatrice et vie de famille…

Apporter à ses enfants amour et soins, former un couple stable, et répondre à l’exigence de s’accomplir dans d’autres vies, que celle de mère et de compagne, avec le même sérieux, la même intensité, la même souffrance et le même bonheur. Cela se pense et se travaille.

Valérie Tarrou

1) Molinier, P. (2003). « L’Enigme de la femme active- Egoïsme, sexe et compassion ». Paris : Payot

2 commentaires:

  1. Toute ma vie j'ai été exaspérée parce que si je rangeais, nettoyais, essuyais… j'enlevais "les traces", celles du désordre d'enfants, de poussière etc. Ce qui était invisible puisque rendu à la norme, n'attirait ni critique, ni félicitation, mais si ce n'était pas fait, même ma propre mère savait m'en faire reproche ! Injustice du labeur, de la conscience et de la bonne volonté d'harmonie des femmes !
    Maine

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  2. Vous abordez une question essentielle sur laquelle bute les économistes et les comptables nationaux depuis bien longtemps : comment évaluer (et donc reconnaitre) l'activité domestique ?
    Les enquêtes budget-temps de l’Insee indiquent qu’à la fin des années 1970
    déjà le volume de travail domestique représentait entre 32 et 77 % du PIB, selon les
    hypothèses retenues.
    Sur le sujet il faut lire : Anne Chadeau et Annie Fouquet, « Peut-on mesurer le travail domestique ? », Économie et statistique, n° 136, septembre 1981.
    J'évoque ces questions dans une réflexion plus globale sur les indicateurs de richesse :
    http://www.fondapol.org/fileadmin/uploads/pdf/documents/HS_Indicateurs_de_richesse_et_de_bien_etre.pdf
    Raphael Wintrebert

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