Si l’on considère que l’exercice du travail « consiste à vaincre des difficultés dont chacune peut paraître insignifiante » (1) on comprend qu’ainsi sollicité dans ses compétences le salarié perd de vue ce qu’il met en œuvre pour faire son travail au point d’en considérer la réalisation comme « naturelle » et de dire « n’importe qui pourrait faire mon travail à ma place ».
Il appartient au psychologue du travail de dénaturaliser les compétences et d’affirmer l’unicité de l’habileté professionnelle qui se forge dans l’expérience à partir de l’effort personnel, parfois collectif, réalisé pour surmonter les obstacles que le monde oppose à la maîtrise et à la connaissance. (2)
Si une compétence peut être décortiquée en savoirs (connaissance), savoir être (lié à la personnalité) et savoir faire (exécution), elle est beaucoup plus que leur somme, elle dépend d’un savoir agir. Savoir agir en situation de travail, cela veut dire savoir quoi faire, quand, pourquoi, et de façon autonome.
Etre compétent suppose de savoir mobiliser et combiner ses ressources : connaissances, capacités, aptitudes, raisonnements, attitudes. Par exemple : faire du vélo peut se décomposer en savoir pédaler, savoir freiner, savoir accélérer, ce n’est pas l’addition de ces savoirs qui permettra de rouler mais leur combinaison. Et en plus chacun ne procédera pas de la même façon, mais selon son style particulier.
La compétence ne peut pas se comprendre en découpant les savoirs. Elle est liée à la situation de travail. Il y a donc une différence entre les compétences décrites dans une fiche de poste et celles mises en œuvre pendant le travail. C’est pour cela qu’il est difficile de cerner une compétence, car elle existe dans l’action, sinon elle est invisible. Ainsi, dans un CV décrire le contenu du poste est plus explicite que juste citer ce que l’on pense être une compétence.
Il y a au cours de l’expérience de travail une accumulation de compétences. Elles sont plus ou moins en nous selon l’usage que l’on en a eu ou que l’on en a encore. Il y aura acquisition de nouvelles connaissances dans la confrontation à une nouvelle activité qui développera les compétences.
Ce développement exige la volonté ou le désir de mettre en œuvre son intelligence dans le travail pour trouver des solutions aux problèmes posés par le réel du travail et viser un double objectif : une production de qualité et l’accomplissement de soi.
Valérie Tarrou
1) Suzanne Pacaud : « Le travail normal consiste à vaincre des difficultés dont chacune peut paraître insignifiante mais dont l’accumulation rend la tache difficile voire épuisante sur le plan nerveux. » Avec Lahy, Suzanne Pacaud est l’une des premières à avoir pratiqué une analyse psychologique du travail pour comprendre le travail.
Pacaud, S. (1954). « Analyse psychologique et psychophysiologie du travail ». In H.Piéron (Ed), L’Utilisation des aptitudes, Traité de psychologie appliquée. Paris : Puf.
Pacaud, S. (1954). « Analyse psychologique et psychophysiologie du travail ». In H.Piéron (Ed), L’Utilisation des aptitudes, Traité de psychologie appliquée. Paris : Puf.
2) Clot, Y. (1999). « La fonction psychologique du travail ». Paris : Puf.
3) Oddone, I. (1977 - 1981 trad française). « Redécouvrir l’expérience ouvrière ». Paris : Editions sociales.
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